Brain Boosters / Le cerveau à l'âge hypermoderne

Publié le par Mutagènes

 

CyborgHead.jpgLes sciences du cerveau ont progressé à pas de géant ces quinze dernières années. Conséquence concrète pour les individus de l'ère hypermoderne : la possibilité d'optimiser son humeur, sa mémoire, sa concentration… Dopage pour tous ?


 

" Mes amis me demandent souvent quand viendra la fameuse petite pilule miracle. Si nos progrès continuent à leur rythme, nous disposerons de médicaments contre le déclin de la mémoire dans les cinq à dix ans à venir ". Ainsi s'exprimait récemment Eric Kandel, Prix Nobel de physiologie et de médecine et fondateur de la société Memory Pharmaceuticals. Cette dernière est une start-up qui, avec quelques concurrentes (Axonyx, Helicon, Cephalon, Cortex), s'est donné pour but d'utiliser nos nouvelles connaissances sur le cerveau afin de mettre au point " la " molécule susceptible d'améliorer notre état émotif ou cognitif. Comme le Prozac l'a déjà fait pour la dépression ou le Viagra pour l'érection.

 

 

 

Outre le marché de la prévention et de la cure des maladies " classiques " (Alzheimer, autisme ou dépression), on constate l'émergence d'une nouvelle demande : des individus parfaitement sains veulent accroître leurs performances, pour le simple plaisir du dépassement de soi ou pour répondre à des pressions professionnelles. Ils veulent optimiser leurs émotions, leurs sensations, leur cognition, et utilisent pour cela des " brain boosters ", aussi appelés " smart drugs " ou nootropes. Cet arsenal de pilules est formé tantôt de molécules soft (type compléments alimentaires, comme la vogue récente des oméga 3), tantôt de molécules hard (des médicaments détournés de leur prescription initiale, comme le Modafinil). Si le marché des anxiolytiques et hypnotiques tend à stagner depuis le milieu des années 1990, celui des antidépresseurs et des psychostimulants connaît ainsi une croissance exceptionnelle. Entre 1993 et 2003, les ventes ont été multipliées par quatre ou cinq, notamment sous l'influence de médicaments vedettes comme la Ritaline ou le Prozac. Sans compter le marché parallèle du e-commerce, qui vend au-delà des réglementations nationales toutes sortes de substances plus ou moins efficaces.

 

 

 

Des drogues traditionnelles aux molécules contemporaines

 

 

 

Comme le remarque Charles Muller, co-auteur "Des plantes pour votre cerveau" : " En soi, cela n'est pas nouveau. Feuille de coca, noix de bétel, café, thé… les drogues traditionnelles sont là pour nous rappeler que, tout au long de son évolution, l'homme s'est intéressé aux modifications de l'esprit induites par la consommation de certaines substances naturelles. Mais cet usage récréatif et occasionnel, souvent codifié par des traditions, a laissé place à des besoins plus permanents et plus exigeants : on veut désormais être en permanence au meilleur de sa forme physique et psychique. "

 

 

 

Outre le progrès des neurosciences fondamentales, au moins trois facteurs expliquent cette émergence du brain boosting permanent. Premier changement majeur, ayant connu une accélération prodigieuse au cours du XXe siècle : la longévité. La planète aux cheveux blancs se décrit en quelques chiffres. En 2020, le nombre de personnes âgées dans le monde aura dépassé le cap du milliard. L'espérance moyenne de vie d'un être humain était de 30 ans au XIXe siècle, de 41 ans en 1950 : elle atteint aujourd'hui 63 ans et devrait rejoindre les 70 ans dans deux décennies. Dans les pays industrialisés, la longévité moyenne approche déjà les 80 ans, et la dépasse même pour les femmes dans certains pays (France, Japon). Cela signifie que l'espérance de vie a quasiment doublé en un seul siècle. Il s'agit sans doute de la plus rapide transformation jamais observée pour une espèce dans toute l'évolution biologique ! Or, toute médaille a son revers. Le cerveau fonctionne moins bien à mesure qu'il vieillit. Il existe un grand nombre de gènes de prédisposition à des maladies se déclenchant après la cinquantaine. Parmi ces pathologies, on pense bien sûr ici aux maladies de l'esprit : Parkinson et surtout Alzheimer. Les projections annoncent un million de malades français pour 2020, pic démographique de sénescence pour la génération du baby boom.

 

 

 

Cerveau stressé : lutte pour la survie des neurones

 

 

 

Autre facteur conduisant à accroître la demande psychotonique : le stress. Dans les sociétés industrialisées, une personne sur deux reconnaît en souffrir parfois ou souvent. De fait, l'homme est aujourd'hui en état de stress permanent par rapport aux conditions quiont présidé à sa lente évolution biologique : stress du système végétatif, avec notamment l'irrégularité des rythmes veille-sommeil et des prises alimentaires ; stress du système émotif, avec le cadre de vie incertain et instable des mégapoles hypermodernes, les rapports humains et sociaux imprévisibles, car relevant de volontés individuelles plutôt que de codes collectifs ; stress du système cognitif, avec la nécessité de s'adapter en permanence aux technologies de plus en plus complexes et aux nouveaux rapports au monde qu'elles induisent.

 

 

 

A l'origine, le stress est indispensable à notre survie. Il s'agit d'un état d'alerte du cerveau face à une pression de notre environnement. Problème : nous avons été façonnés par l'évolution biologique pour vivre une trentaine d'années dans un milieu naturel : nous vivons désormais 70 à 80 ans dans un milieu artificiel. Notre cerveau, interface du corps et du milieu, est le premier à subir cette stimulation permanente. D'où, là encore, la recherche de substances psychotoniques susceptibles de diminuer l'anxiété tout en augmentant la vigilance.

 

 

 

Le capital cognitif et son rendement

 

 

 

Troisième facteur global d'évolution de notre rapport à l'esprit : le tournant cognitif de l'économie et de la société modernes. Longtemps, les secteurs primaire (agriculture, matières premières) et secondaire (transformation industrielle) ont été les moteurs de la croissance et les principaux pourvoyeurs d'emplois. Or, ces domaines d'activité reposaient dans une large mesure sur l'emploi de la force physique, que cette énergie provienne des hommes ou des machines. Là encore, le Xxe siècle a été l'occasion d'un tournant majeur dans l'histoire humaine. L'automatisation des tâches a considérablement augmenté la productivité tout en diminuant le fardeau physique de la création de richesse, c'est-à-dire de biens. Conséquence : au cours de la seconde moitié du XXe siècle, le secteur tertiaire (services, emplois de bureau) est devenu le plus actif de l'économie. Or, celui-ci mobilise dans une large mesure la puissance intellectuelle plutôt que la force physique. Qu'il s'agisse de la prestation de services, de la production industrielle, du management ou du marketing, le travail moderne est devenu une activité à dominante cognitive. L'agilité des neurones y est une valeur ajoutée pour les individus, voire une condition d'accès au marché de l'emploi. Au-delà de sa dotation génétique initiale, chaque individu vise désormais à préserver et augmenter son capital cognitif.

 

 

 
 

Quel est l'avenir du brain boosting ? Assurément radieux. Mais tout le monde n'y aura pas recours, faute d'envie ou de moyens. La caste des " optimisés " s'entendra-t-elle durablement avec celle des " préservés " ? Réponse dans une ou deux générations.

 

 

 

Un enjeu biopolitique

 

 

 

Peut-on laisser les individus modifier à leur guise leur personnalité et leurs capacités ? Y a-t-il un risque accru de contrôle du libre-arbitre par les Etats, les entreprises, les sectes et plus généralement toute forme de pouvoir institué ? La généralisation des brain boosters va-t-elle entraîner la dépénalisation des drogues ? Voici quelques-unes des questions auxquelles devra répondre la biopolitique de l'hypermodernité. Ces sujets ont été récemment abordés par Francis Fukuyama (Le grand bouleversement. La nature humaine et la reconstruction de l'ordre social, Table Ronde) et Catherine Malabout (Que faire de notre cerveau ?, Bayard). Hélas dans une perspective répressive pour le premier, et de manière superficielle pour la seconde.

 

 

 

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A lire :

 

Charles Muller, Peggy Sastre, Des plantes pour votre cerveau, Editions Médicis

 

 

 
 

A consulter

 

www.lef.org
En 1972 est fondée aux Etats-Unis une association privée, la Life Extension Foundation (LEF, www.lef.org). Son objet est alors très large : " Aider ses membres à vivre plus longtemps et en meilleure santé ". La LEF publie une lettre mensuelle d'information couvrant toutes les innovations scientifiques et médicales sur le front de la longévité. Et vend à ses membres toutes sortes de médications pour ralentir le vieillissement (compléments, hormones, médicaments…). Vingt ans plus tard, la fortune est faite. En 1993, la LEF continue dans sa logique en injectant plusieurs millions de dollars dans la création du 21st Century Medicine, un laboratoire privé de recherche qui se situe aujourd'hui à la pointe de certains domaines (cryogénie notamment). La LEF propose la gamme quasi-complète du brain booster.

 

 

 

www.qhi.co.uk
Avec ce site offshore, on entre dans le domaine du brain booster hard, c'est-à-dire le médicament détourné, comme par exemple le Nootropil (pour la mémoire des patients Alzheimer) ou la Ritaline (pour la concentration des enfants hyperactifs. La société est sérieuse avec ses clients. Mais attention : l'envoi vers la France étant en principe interdit, les douanes peuvent saisir et détruire votre commande.

 

 

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A
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> I agree to the fact that dramatic changes are happening in the field of Brain Science.<br /> <br /> <br /> The findings that you have shared were really worth reading. The title<br /> <br /> <br /> “Brain Boosters” caught me in. it is a very interesting article about the advanced<br /> <br /> <br /> science. Thanks for the share.<br /> <br /> <br /> windows xp price<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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